18/16 - Formation des salariés : une obligation à ne pas prendre à la légère !

 

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Dans un arrêt du 5 octobre 2016 (Cass. soc. n° 15-13594), la Cour de cassation rappelle une nouvelle fois les obligations de l’employeur en matière de formation des salariés et notamment l’obligation d’adapter les salariés à leur poste de travail et d’assurer le maintien de leur capacité à occuper un emploi. L'arrêt du 5 octobre 2016 revient sur les dispositions de l’article L.6321-1 du code du travail qui prévoient que « L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret. Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L.6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences ». Le code du travail prévoit donc une obligation générale de formation pour l'adaptation au poste et le maintien dans l'emploi. Cet arrêt du 5 octobre 2016 donne une illustration du manquement de l’employeur à cette obligation, manquement qui peut coûter cher à l’employeur! En effet, en vertu de cette obligation générale, la Cour de cassation considère que l'employeur ne remplit pas cette obligation s'il ne propose jamais ou rarement à ses salariés des formations. Dans cette affaire, une salariée, titulaire d’un BTS agricole industries agroalimentaires, employée depuis 8 ans, en tant qu’agent de fabrication dans une entreprise d'agro-alimentaire, avait été déclarée inapte à son poste de travail «ainsi qu’à tout poste en production ou en expédition du fait de la maladie professionnelle». Dans le cadre de cette procédure d’inaptitude, le médecin du travail avait préconisé un reclassement à un poste de technicienne qualité, de type administratif ou d'encadrement en production sans effort de manutention lourde ou répétitive. L’employeur n’ayant pas pu trouver un poste de reclassement en adéquation avec les préconisations du médecin, avait donc licencié la salariée pour inaptitude en raison d’une impossibilité de reclassement. La salariée a alors contesté son licenciement en arguant que le peu de formation dont elle avait bénéficié (2 formations : l'une sur la sécurité incendie du bâtiment et l'autre sur l'hygiène et la qualité en 8 ans) avait eu un impact sur ses possibilités de reclassement. En effet, l’employeur indiquait ne pas avoir pu reclasser la salariée car il ne disposait que de postes de type administratif (emplois en comptabilité et en ressources humaines), postes pour lesquels la salariée ne disposait d'aucune formation. La salariée précisait, quant à elle, que cette impossibilité de reclassement était imputable à l’employeur. Elle lui reprochait ainsi de ne pas « lui avoir fait bénéficier de formations régulières et de ne pas avoir entretenu et développé des compétences plus larges que celles qui étaient mobilisées pour son emploi d'agent de fabrication ». Dans cette affaire, la Cour de cassation a donné raison à la salariée. Pour la Cour de cassation, l’employeur a manqué à son obligation de formation en ne proposant à la salariée « au cours de ses huit années de présence dans l’entreprise, que deux formations alors que, titulaire d’un BTS, elle aurait dû bénéficier, durant une période aussi longue, d’autres formations» La Cour de cassation en déduit que cette situation (manquement à l’obligation de formation) a eu pour effet, «dans le cadre de l’obligation de reclassement incombant à l’employeur, de limiter sa recherche d’emploi à des postes ne nécessitant pas de formation particulière et, avait ainsi eu pour effet, de compromettre l’évolution professionnelle du salarié». C’est donc logiquement que le licenciement de la salariée a été déclaré sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences financières qui en découlent. Par ailleurs, l’employeur a été condamné à des dommages-intérêts, pour manquement à l’obligation d’adaptation, à hauteur de 6 000 euros. Nous attirons votre attention sur ce fait car ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation insiste sur l’obligation d’adapter les salariés à leur poste de travail. Dans un arrêt du 28 septembre 2011 (Cass. Soc, n°09-43339), 5 préparateurs de véhicules neufs et d'occasion avaient reproché à leur employeur de ne leur avoir jamais proposé de formation tout au long de leur contrat (pour des anciennetés allant de 2 à 12 ans de présence). L'employeur estimait, au contraire, n'avoir aucune obligation de les former à leur tâche de préparateurs puisqu'ils l'occupaient avec succès et puisque cet emploi n'avait fait l'objet d'aucune évolution. Par ailleurs, l’employeur précisait n'avoir pas de tâches d'un niveau plus élevé à leur proposer. La Cour de cassation avait cependant donné raison aux salariés, considérant que l'employeur n'avait pas rempli son obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi. La Cour de cassation avait rappelé que «l'employeur a l'obligation générale d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi ; que cette obligation existe quand bien même la carrière du salarié ou l'emploi qu'il occupe dans l'entreprise ne devraient pas connaître d'évolution prévisible …». Aussi nous vous invitons à veiller particulièrement à la formation de vos salariés même en l’absence d’évolution possible au sein de la structure. Par ailleurs, nous vous recommandons : - de formaliser par un écrit daté et signé les propositions de formations faites à vos salariés (un récapitulatif peut être fait sur lors de l’entretien professionnel); - de conserver les éventuels refus de partir en formation (pour information: le refus de partir en formation sur le temps de travail peut être sanctionné sauf si le salarié refuse pour «raison valable» ou «motif légitime») ou de les acter par écrit; - de rédiger une procédure de demande de formations (délai, personne destinataire de la demande, documents à fournir…) et d’en informer les salariés (par note de service ou autre document). Ce qu'il faut retenir : L’employeur est tenu d’adapter les salariés à leur poste de travail, et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi en leur proposant des formations, et ce, même en l’absence d’évolution professionnelle prévisible. Le juge appréciera si l’employeur a respecté son obligation d’adaptation au regard de l’ancienneté du salarié et du nombre de formations effectuées depuis son embauche. Le salarié est en droit de demander au juge la condamnation de l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d’adaptation. Cabinet d'avocats Ferraris