06/17 - Inaptitude : la proposition de reclassement n'a pas à être nécessairement écrite pour être valable
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En cas d'inaptitude définitive constatée par le médecin du travail, le licenciement du salarié concerné par l’inaptitude ne peut intervenir qu’après que l’employeur ait satisfait à l’obligation de recherche de reclassement mise à sa charge. Cette obligation de recherche de reclassement s'impose désormais quelle que soit l'origine de l’inaptitude (professionnelle ou non).
Pour se faire, l'employeur doit rechercher des possibilités de reclassement et s’il en a, formuler une proposition sérieuse et précise de reclassement dans un emploi compatible avec les capacités réduites du salarié et les conclusions écrites du médecin du travail.
Dans une affaire jugée le 31 mars 2016 (Cass. soc. 31-3-2016 n°14-28314) par la Cour de cassation, un salarié avait été déclaré définitivement inapte à son poste de chef de département en boucherie par le médecin du travail mais apte pour effectuer un travail de boucher sans management d'équipe. Son employeur lui avait alors proposé, par écrit, un reclassement sur un poste d'employé commercial au rayon boucherie, poste que le salarié avait refusé.
L'employeur avait également réuni les délégués du personnel et le salarié, afin de rechercher ensemble les postes de reclassement. Au cours de cette réunion, des postes avaient été identifiés comme disponibles, et avaient donc été proposés oralement au salarié (il s’agissait d’un poste d'employé commercial, d’un poste d'hôte de caisse et d'accueil et d’un poste de personnel de station). Le salarié avait refusé ces 3 propositions en déclarant qu'il avait « des compétences dans le domaine de la boucherie mais qu'il ne se verrait pas travailler au sein d'un autre rayon du magasin » et « donc que toute proposition de reclassement sur les postes d'employés commerciaux (hors Boucherie) ou de caisse (magasin, station, accueil) n'est pas envisageable ». Les propositions de postes de reclassement ainsi que les réponses du salarié avaient été reproduits dans le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel.
Licencié pour inaptitude, le salarié a alors saisi la juridiction prud'homale contestant la réalité de la recherche de reclassement. Selon lui l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement car les propositions de reclassement formulées oralement lors de la réunion auraient dues lui être proposées par écrit. Le salarié avait alors eu gain de cause, et le licenciement avait été déclaré sans cause réelle et sérieuse, ce qui avait couté à l’employeur 70 000euros.
L’employeur contestant cette décision a alors formé un pourvoi en cassation. La question posée à la Cour de cassation était donc de savoir si une propositionde reclassement doit être obligatoirement formulée par écrit pour être valable ?
En effet, contrairement aux dispositions relatives au licenciement économique où dans ce cas le code du travail est très précis puisqu’il dispose que « les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises » (article L.1233-4 du code du travail), cette exigence de de l'écrit n'est pas imposé, par le code du travail, dans les procédures d'inaptitude. En effet, les articles du code du travail disposent simplement que l’employeur propose au salarié « un autre emploi approprié à ses capacités » (article L.1226-2 et article L.1226-10 du code du travail).
Dans la majorité des cas, l’employeur formule le ou les offres de reclassement par écrit ceci afin de donner au salarié des précisions sur les conditions d'emploi, la rémunération, les horaires de travail mais surtout afin de se ménager la preuve de la recherche de reclassement.
Néanmoins cet arrêt de la Cour de cassation du 31 mars 2016 et celui rendu très récemment par la Cour de cassation (Cass. Soc., 8 juin 2017, n° 15-29419) démontrent que l’exigence de l’écrit n’est pas une obligation.
Attention cependant un licenciement pour inaptitude physique est juridiquement toujours délicat, en raison du grand formalisme imposé par la Cour de cassation. Formalisme qui évolue régulièrement mettant à la charge de l’employeur de nombreuses démarches/obligations qu’il doit être en mesure de justifier.
Bien que la Cour de cassation, dans ces arrêts du 31 mars 2016 et du 08 juin 2017, précise que la proposition d’un reclassement formulée par écrit n’est pas une condition exigée par le code du travail, il ne faut pas oublier que l’employeur doit être en mesure de prouver les démarches de recherches de reclassement effectuées (sauf cas particuliers où l’employeur est dispensé de rechercher un reclassement).
Une nouvelle fois nous vous alertons sur la charge de la preuve de la recherche de reclassement qui incombe à l'employeur. Proposer une offre de reclassement par écrit constitue, en effet, le meilleur moyen pour l'employeur de prouver la réalité et le sérieux de la recherche de reclassement. Ainsi dans un souci de preuve et afin de vous épargner une procédure contentieuse sur le sujet, nous vous conseillons vivement de procéder par écrit pour formuler vos propositions de reclassement. Il est en effet préférable de transmettre, par courrier recommandé ou remis en main propre contre reçu, les propositions de postes de reclassement.
Toutefois, avec ces deux arrêts rendus par la Cour de cassation, vous savez qu’il est possible, si vous avez omis de conserver une trace écrite des propositions de reclassement faites à votre salarié, de « rattraper cette maladresse » en mentionnant scrupuleusement les différentes propositions de reclassement (dates, types de propositions et réponse(s) du salarié) dans la lettre de licenciement. Cette possibilité offerte par la jurisprudence est inconfortable mais a le mérite d’exister. Attention toutefois cette mention des propositions dans la lettre de reclassement a pu suppléer l’absence d’écrit uniquement parce que l’employeur disposait du témoignage écrit du délégué du personnel.
Nous vous rappelons, que, pour ne pas vous trouver confronté à un refus de témoignage écrit du délégué du personnel, vous devez établir un PV de consultation écrit immédiatement après celle-ci, et le faire signer par le ou les délégués du personnel.
Cabinet d'avocats Ferraris